vendredi 11 novembre 2011

Collaborer pour innover en PME : une analyse québécoise

Le LaRePE, Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises, a publié en 2005 un bulletin dont le contenu reste d'actualité :
« collaborer pour innover : regard sur les caractéristiques des relations interorganisationnelles efficaces »
.

L'étude présentée par Michel Trépanier montre comment le réseautage et la collaboration permettent de répondre aux enjeux d'innovation auxquels la PME ne peut guère faire face seule.
Si ce texte décrit essentiellement la collaboration entre des organisations – en particulier entre PME et centres de transfert de technologie (plutôt les technopôles sur le Vieux continent), on y voit bien qu'il concerne aussi la dimension interpersonnelle de la relation, et l'implication du management dans la conduite de cette collaboration.

Les extraits qui suivent me conduisent à partager ensuite avec vous une réflexion sur l'utilité de deux cadres de collaboration qui s'avèrent complémentaires.
Je cite (et souligne) :

Pour parvenir à innover sur une base continue, l’entreprise, notamment la PME, doit de plus en plus se tourner vers d’autres organisations, étant donné qu’elle ne peut posséder à l’interne tout ce dont elle a besoin pour mener à bien un projet d’innovation […]

L’innovation exige la conjugaison de facteurs multiples et diversifiés qui sont aussi de nature organisationnelle : pratiques de gestion des ressources humaines, de développement de produits, de marketing et de commercialisation, de financement, de collaboration interorganisationnelle, de production et d’organisation du travail, etc. Dans cette perspective, les compétences et les outils nécessaires à l’innovation sont de toute évidence multiples et diversifiés et leur intégration dans un projet concret est un processus complexe.

Le capital social, entendu comme réseau de contacts par l’intermédiaire desquels une entreprise ou un individu peuvent accéder et mobiliser des ressources (scientifiques, technologiques, commerciales, financières, etc.) auxquelles il n’aurait pas accès autrement, joue un rôle important dans le portefeuille des ressources nécessaires à l’innovation.

Toutefois, ces ressources, bien que nécessaires, ne sont pas suffisantes pour faire d’une PME une entreprise innovante. Pour ce faire, la PME doit également posséder certaines caractéristiques organisationnelles : une culture de l’innovation (c’est-à-dire être une organisation où la recherche de la nouveauté et le changement sont des valeurs intrinsèques), une attitude positive face à la créativité, une capacité de collaborer tant à l’interne qu’avec des organisations extérieures et, enfin, une ouverture sur l’information grâce à des activités structurées de veille.

Finalement, pour compléter l’inventaire des composantes de l’innovation en contexte de PME, il faut faire référence au leadership de son dirigeant ou de son équipe de direction. En effet, on peut imaginer qu’une PME possédant toutes les caractéristiques que nous venons d’énumérer pourrait néanmoins ne pas innover si son équipe de direction n’exerce aucun leadership en ce qui a trait à l’innovation.

L'auteur prolonge son analyse en observant que les différents partenaires de l'innovation, PME, centre technique, universités… ont chacun leurs propres règles du jeu, leurs critères d'évaluation de l'efficacité de la relation et du résultat du projet, voire leur langage.
Une certaine proximité, à la fois culturelle et géographique, facilite donc le partage :
On observe en général que deux des éléments dont la circulation est essentielle dans des projets de collaboration en matière d’innovation, les connaissances tacites et les savoir-faire, voyagent mal ou, dit autrement, leur transfert est plus efficace si les contacts de personne à personne sont fréquents et réguliers.
Il en déduit les règles qu'il propose comme meilleures pratiques de collaboration en matière d'innovation :
  • maximiser la ressemblance des organisations impliquées − proximité sociale;
  • favoriser des rencontres régulières entre le personnel des deux organisations;
  • capacité des organisations impliquées à gérer la collaboration de manière responsable;
  • retenir des organismes qui sont à distance raisonnable − proximité géographique
Cette analyse, à la fois synthétique, complète et facile à lire, me conduit à quelques réflexions complémentaires.

La question de la proximité culturelle entre partenaires est en effet un point délicat ; le scénario décrit est effectivement idéal lorsque l'on est sur un terrain relativement balisé, en termes de technologies, de marchés, de processus d'innovation. Mais il est parfois nécessaire de dépasser un certain conformisme, voire un certain confort, lorsqu'il s'agit de rupture, qualitative ou quantitative, dans les habitudes, les représentations ou les relations dans un système professionnel, ce qui est souvent le cas pour des innovations... de rupture justement.

Il peut donc être utile de différencier :
  1. des relations de collaboration dans le cadre d'un partenariat tel que présenté dans l'article, entre deux entités qui vont coconstruire un projet, l'une étant ici en soutien opérationnel de l'autre,
  2. des relations de collaboration visant une logique d'entraide, d'échange de pratiques, de recherche en commun des pistes d'action, dans lesquels les interlocuteurs sont pas directement concernés par la réussite du projet.
En effet, il est sans doute plus facile dans le second cadre de demander aux interlocuteurs des propositions ou des regards plus iconoclastes, pour ne pas dire provocants, ou simplement critiques, dans l'objectif de « confronter » avec bienveillance les perceptions et capacités d'action.

Enfin, les cadres de groupes de pairs, de codéveloppement, de coaching individuel ou collectif, apportent des garanties de confidentialité, qui facilitent peut-être une autre prise de risque en termes d'expression de ses doutes, questionnements… que le dirigeant ou le responsable de projet n'osera pas dévoiler face à des partenaires qui peuvent aussi être des évaluateurs.

Bien entendu, ce second cadre de coopération ne se substitue pas au premier, et encore moins à la collaboration entre organisations dans la conduite d'un projet opérationnel, mais contribue à la capacité individuelle et collective d'en exploiter plus complètement toutes les richesses.

En tant que consultant, je me situe dans le second type de relation avec mes clients, comme facilitateur de l'émergence d'un nouveau regard sur les ressources et les possibles, l'évolution du système relationnel, ce qui peut inclure la structuration du pilotage de l'innovation (le leadership innovation cité plus haut) au niveau d'une équipe, d'une entreprise, ou d'un consortium. Quitte à collaborer le cas échéant avec des confrères qui sont, eux, apporteurs de méthodologies marketing, gestionnaires, commerciales ou techniques, pour la mise en œuvre des dynamiques coconstruites, dans un cadre qui peut en grande partie relever du type 1, et notre association permet les aller-retours entre les deux niveaux.

Tous les bulletins du LaRePE : http://bit.ly/t4oIFl,
n°3/2005 : "Collaborer pour innover en PME"
On lira aussi avec intérêt le n°1/2010 : " Retombées et facteurs de succès d’une relation de mentorat d’entrepreneur novice"

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