mercredi 30 mars 2011

e-collaborer ET coopérer

(e-collaborer : collaborer en s'appuyant sur les outils et technologies de l'information)

Les 9 et 10 mars 2011, se tenaient côte à côte à Paris trois salons : RH, e-learning et « intranet et solutions collaboratives ». L'occasion de faire le lien entre les trois cultures qui ont jalonné mon parcours.

Lors de la conférence à laquelle j'ai assisté, tous les intervenants ont convenu de la nécessité d'articuler la collaboration via des plates-formes de plus en plus ergonomique et performantes et des rencontres « en chair et en os ».

A l'heure où la dématérialisation des relations (par les intranets, mail, mobiles, automates téléphoniques...) est parfois vue comme une cause de souffrance au travail, comment réintroduire de la convivialité (étymologiquement tout simplement du « vivre ensemble ») tout en exploitant les qualités des outils pour créer, structurer, partager, capitaliser les informations utiles à l'efficacité collective ?

En matière de formation, les démarches de mixité e-learning + présenciel (« blended learning ») dépassent rarement le stade de l'optimisation de moyens techniques et humains (tuteurs, formateurs distants) pour atteindre un objectif pédagogique. C'est déjà ça. Pourtant ces plates-formes permettraient des stratégies qui relieraient avec plus de souplesse les temps de formation, d'action, les relations avec les collègues et le management, les politiques RH. Seuls les grands groupes y parviennent, car cela nécessite des compétences internes d'ingénierie importantes.

Lorsqu'il s'agit de collaboration au quotidien, les choses peuvent être plus simples, car avec les outils « 2.0 », il y a moins besoin d'ingénierie, et plus de place pour des expérimentations. Ces outils permettent des formes d'auto-organisation des systèmes humains + techniques, d'initiatives partant des idées des professionnels eux-mêmes.

Mais je me souviens d'une collectivité locale où le décalage entre les intentions et les pratiques était trop fort : dans un premier temps les dirigeants tenaient un discours clair sur le besoin de décloisonnement entre services, d'autonomie souhaitée des collaborateurs, et avaient accepté un gros projet de plate-forme collaborative interne. Lorsqu'il s'est agi de donner de l'autonomie aux utilisateurs, leur permettre de créer eux-mêmes des espaces de travail et de partage en ligne, les mêmes cadres dirigeants ont soudain ressorti leurs vieux démons « si on ne contrôle pas tout, les collaborateurs vont faire n'importe quoi et perdre du temps, communiquer à tord et à travers... ». Alors que ces collaborateurs, que nous avions rencontrés, avaient une quantité impressionnante d'idées pratiques pour améliorer leur quotidien, l'efficacité des relations inter-services, capitaliser l'expérience, etc.

Le retour sur investissement, sur ce gros projet, est alors divisé par 10 voire réduit à néant. Au lieu d'en faire un moyen de performance, d'encourager la collaboration, il est alors perçu au mieux comme un espace de liberté surveillée, d'expérimentation non légitimée. Il est donc probable que la qualité de ces initiatives ne soit jamais reconnue, en particulier lors des entretiens annuels. Sauf si la dynamique « terrain » grâce aux outils arrive à démontrer sa légitimité a posteriori. Mais que d'énergie gaspillée à jouer à cache-cache !

Les outils du XXIe siècle s’accommodent mal d'un management hérité du XIXe siècle.

J'en ai tiré quelques leçons que je partage volontiers avec vous aujourd'hui.

Une dynamique commune de e-collaboration et de coopération incarnée est simple, et efficace, à quelques conditions :
  • Que le management n'espère pas tout contrôler de façon rationnelle, et se concentre sur les objectifs définis (résultats économiques, services rendus...) plutôt que sur le chemin à emprunter pour y parvenir,
  • Que l'organisation ne compte pas sur l'outil pour « redorer son image », en interne ou externe, sans être prête à modifier les pratiques de ses cadres et dirigeants,
  • Que la régulation à propos des projets techniques ne passe pas par ces mêmes outils, que des espaces de dialogue et partage d'expérience puissent se faire de vive voix,
  • Que l'organisation des projets, des services, ne s'appuie pas exclusivement sur un pilotage par les outils, aussi sophistiqués fussent-ils, par les indicateurs de performance, aussi utiles soient-ils, mais s'appuie aussi sur une animation de la collaboration qui donne de la légitimité et du temps pour explorer des idées neuves, des perceptions différentes des situations, et prêter attention aux sentiments des collaborateurs sur ce qui est en jeu, sur leur place et leur contribution
  • Ce dernier point ne « passant pas » par les canaux électroniques, le développement de pratiques de collaboration interpersonnelle permet à la fois de contribuer à définir et atteindre les objectifs (business, services) communs, et de rendre plus performant l'usage des outils. Par analogie, mais à une tout autre échelle, c'est l'efficacité d'un coup de fil pour désamorcer une escalade de mails de plus en plus vindicatifs...
Bien entendu, ces « conditions » ne peuvent être affichées comme un préalable absolu, sinon peu d'entreprises y seraient réellement éligibles, mais peuvent servir de guide à l'action managériale.

Alors les outils démultiplient l'intelligence collective au lieu de la cadrer trop vite et l'assécher, encouragent chacun à donner et recevoir une part de l'enthousiasme partagé. Et les réunions physiques sont plus efficaces et pertinentes, centrées sur ce que ne peuvent pas apporter les moyens de communication électronique.

D'ailleurs, si l'on calculait le retour sur investissement des réunions comme on calcule le ROI des solutions informatiques, cela inciterait peut-être plus à une saine mixité des pratiques, et à plus d'exigence sur la qualité des rencontres en face à face.

A bon entendeur...

1 commentaire:

  1. Christian Gateau21 avril 2011 à 15:20

    Je suis le 1er à commenter ??? Eh bien, Thierry, je pense que tes témoignages et expériences auront toute leur place dans le futur Forum Grafotech !!
    Amicalement,
    Christian Gateau

    RépondreSupprimer