Le codéveloppement professionnel est une pratique d'échange structurée entre "pairs", à des fins d'apprentissage collectif à partir de l'expérience (en savoir plus).
L'analyse sociologique que fait Norbert Alter des systèmes de coopération en entreprise (voir le billet précédent) m'a conduit à m'interroger sur les fondements et effets du
codéveloppement professionnel.
En effet, pour ne citer que quelques
similitudes avec la pratique du don / contre-don : on y apprend à célébrer l'échange, exprimer la
gratitude ; et on offre une part de son expérience au groupe ou
à un autre participant, sans savoir qui et quand nous donnera à son
tour autre chose d'utile pour nous.
Vouloir organiser des
espaces-temps d'entraide, de partage d'expérience, serait-ce alors une
façon artificielle d'organiser le don / contre-don, donc une espèce
de monstre contre nature tentant de gérer le lien social ?
Je me suis sincèrement interrogé à
la lecture de ce livre, et je pense avoir trouvé une réponse
rassurante :
Même si nous voulions « gérer »
une partie des échanges sociaux à travers le codéveloppement, nous ne le pourrions pas !
Première raison :
L'espace de
formation entre pairs, contrairement aux pratiques de formation
critiquées par l'auteur, est explicitement un espace d'entraînement
et de responsabilisation, et n'a de sens que si d'autres échanges se
produisent ailleurs, dans l'activité au quotidien des participants.
Et ces autres échanges, dans la forme et le fond, échappent au
dispositif codéveloppement.
Seconde raison :
Les participants,
adultes consentants, ne donnent et reçoivent au sein même du groupe
que ce qu'ils veulent bien donner et recevoir. C'est un "laboratoire" de la coopération, ce sont les membres du groupe qui définissent leurs besoins individuels et collectifs, et la façon dont ils les traitent et prennent soin les uns des autres dans ce cadre précis. Même si le fil conducteur est prédéfini par un commanditaire (RH, formation), le centrage sur les demandes concrètes évite les biais de "l'externalisation du lien social" pointés par Norbert Alter.
Dernière raison (au moins pour ce
billet) :
Les racines andragogiques et éthiques du
codéveloppement professionnel relèvent d'une vision constructiviste des
organisations humaines, et il est peu probable qu'un pratiquant
aguerri se laisse enfermer dans un protocole manipulateur. Et, d'une certaine façon - mais c'est mon côté optimiste qui s'exprime ici - même une demande "orientée" pourra être servie par le codéveloppement, puisque le groupe trouvera bien sa façon propre de s'ajuster à cette demande, tout en développant la qualité des liens entre les participants.
En tant qu'animateur de tels groupes, me voilà donc rassuré sur le sens et la pertinence de cette pratique, même passée au filtre de l'analyse sociologique et anthropologique (dans la mesure de ma propre capacité d'analyse en tout cas). Je ne peux que vous inviter à y réfléchir à votre tour, et à commenter ici !
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