J'ai eu le plaisir d'entendre Bernard Stiegler, initiateur et président de l'association (en plus de son rôle de Directeur de l'IRI, Institut de Recherche et d'Innovation du centre Pompidou), lors du salon i-expo en juin 2010. Voici quelques-unes des idées que j'y ai notées (et reformulées sans doute...)
En termes plus simples, et dans le cadre très concret de l'activité professionnelle, le "je" ne se construit qu'à travers un "nous", et c'est aussi un préalable à l'expression dynamique d'un collectif. Sinon, à défaut de prise de parole personnelle en engageante de chacun, le "nous" n'est qu'un "on" sans forme ni intention bien définie, et impuissant à agir sur l'environnement. Et souvent le "on" accuse un "ils" tout aussi indéfini, ce qui évite d'autant mieux de se responsabiliser pour l'action.
L'intelligence collective est un concept « daté » ; aujourd'hui c'est l'intelligence collaborative qui peut conduire à de réelles innovations.
Simondon a étudié les processus d'individuation et leur importance dans la constitution d'une communauté sociale. Contrairement à une représentation simpliste, s'individuer ce n'est pas « trouver son style » et ne plus en changer, et tomber dans la répétition, mais au contraire savoir se transformer sans se perdre.
Nous sommes donc en fait toujours dans un processus de co-individuation : j'agis sur autrui et cela agit sur moi.
B. Stiegler fait aussi référence à Saussure, qui décrit le langage comme « diachronique », qui produit du nouveau, mais qui en même temps nécessite un champ commun (synchronique) pour fonctionner.
La connaissance que nous manipulons et produisons a aussi cette double dimension.
Pour Bernard Stiegler, « le web 3.0 sera un web polémique ».
Si cette conférence m'a touché, c'est sans doute parce que j'y (re)trouve une légitimité pour les processus d'échange de pratique professionnels, à la fois repérage de ce qui nous relie et recherche de ce qui nous différencie, pour nous nourrir des deux. Pour savoir évoluer dans nos représentations et nos pratiques. Et que la langue, la façon dont on se parle au travail - donc dont on s'écoute - est un outil privilégié de la dimension professionnelle de notre co-individuation.
Encore faut-il poser les cadres qui permettent ce type d'échange, aux antipodes de l'utilisation du langage comme un outil de pouvoir. B. Stiegler rappelle que l'usage de l'écriture comme outil de savoir et non de pouvoir fût l'un des combats de Platon.
(*) Les enregistrements sont tous disponibles en mp3 sur le site d'Ars Industrialis; leur qualité sonore et leur facilité d'accès sont très inégaux ; un jour je vous signalerai mes préférés.
Les travaux en cours sur les « techniques de soi », bien que ce titre semble de prime abord un peu inquiétant, y sont fort intéressants. A suivre donc.
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